lundi, juillet 11, 2005

Comme une Marmotte

Je pourrai au moins dire que je l'ai fait ! Ça y est, j'ai terminé ma première (ce qui sous-entend qu'il y en aura peut-être d'autres) Marmotte, et ce ne fut pas une mince affaire.
Parti parmi les derniers participants (mais tout de même avant les dossards "6000 et plus") il me faudra environ 40 minutes pour franchir le portail de départ. Ce ne fut pas trop dérangeant car l'ambiance dans l'aire de départ était assez sympa en définitive.
Après les quelques kilomètres de plat on vire à droite et avant d'avoir pu dire ouf on se retrouve au pied de la Croix de Fer. Pour moi il est immédiatement évident que la journée va être difficile car une douleur au genou déjà ressentie jeudi à l'entraînement se rappelle à mon bon souvenir. Pas vraiment le genre de douleur dont on se dit qu'elle va disparaître dans les kilomètres suivant. Le choix est dès lors assez simple, soit je fait demi tour avant de basculer au sommet du Glandon, soit j'essaie de finir en me préservant un maximum. Comme je ne me suis pas tapé 1000 bornes pour faire les 20 premiers kilomètres, j'insiste: tout petit braquet dès le début, tout en souplesse. Dès que je veux mettre un peu de force c'est insoutenable, impossible d'appuyer décemment sur ces foutues pédales. Je comprends très vite que je peux mettre toute ambition chronométrique au placard, mon objectif sera d'arriver au moins jusqu'à Bourg d'Oisans, peu importe le temps que cela prendra.
Dans ces conditions et cet état d'esprit, je bascule super facile au sommet du Glandon complètement dans les nuages. Je remplis le Camelbak et me lance dans la descente. Dans la première partie de la descente, plusieurs coureurs se sont ramassés et le spectacle des blessés et des secouristes qui s'affairent autour d'eux freine un peu mes ardeurs. Je descend très prudemment à l'inverse de certains qui malgré les chutes et les panneaux indiquant le danger, iront jusqu'à essayer de dépasser au mépris du danger évident l'ambulance qui est devant nous, triste. Si encore leur comportement ne mettait que leur propre vie en péril...
Dans la vallée, je m'abrite dans un groupe mais je me retrouve assez vite en deuxième position et après quelques kilomètres je dois prendre un relais. Malheureusement le genou ne suit pas, je fais quand même ma part du boulot puis me réfugie à l'arrière après un relais assez long. Sympas, mes compagnons de fortune me remercient.
A Saint-Michel de Maurienne(km 81), un virage à droite et c'est le pied du Télégraphe. Il fait très chaud à ce moment de la journée. Je constate avec déplaisir que j'ai maintenant mal aux deux genoux. Sans doute ai-je compensé ma douleur à droite par un effort plus intense sur la jambe gauche.
L'ascension du Télégraphe me convient très bien, ce n'est pas trop pentu et j'arrive malgré la douleur à maintenir un rythme correct. Les douze kilomètres du col se passe sans soucis, je bois, je mange, j'ai encore le moral. Quelques kilomètres de descente et nous voilà à Valloire, le ravitaillement est minable, manifestement on ne soucie guère des moins rapides et il ne reste que quelques quartiers d'oranges, heureusement que j'ai été prévoyant, il me reste suffisamment à manger dans le sac.
J'attaque donc le Galibier dans d'assez bonnes dispositions. Après un petit passage un peu raide, ça se calme sur quelques kilomètres mais pour moi les choses s'aggrave. C'est à présent le dos qui me fait souffrir, probablement une conséquence des mouvements parasites que je fait pour limiter les douleurs aux genoux.
Sur ma droite j'aperçois les premiers lacets des huit derniers kilomètres...impressionant! Je panique un peu et je m'arrête pour boire un des cocas les plus cher de ma vie à la terrasse d'un petit chalet avant d'attaquer le gros morceau.
C'est vraiment dur. Les kilomètres commencent à compter et je n'arrive même plus à regarder à gauche ou à droite à cause de mon dos. La température chute de quelques degrés tous les kilomètres. Des tas de hollandais qui sont déjà là pour l'étape du Tour qui passe le mercredi suivant nous encouragent. J'ai une grosse période de doute, je crève de mal et je me demande vraiment si je vais arriver au sommet. Soudain, je distingue ce fameux sommet, c'est le bout du monde ! Je passe probablement ma pire demi heure de la journée dans les quatre derniers kilomètres, je me lève sur les pédales et j'ai mal aux genoux,je m'assieds et j'ai mal au dos, l'enfer.
Au sommet (km 114) il fait 5 degrés et il tombe quelques flocons. J'arrive à attraper un petit bout de pain au fromage (un des derniers), je me couvre et je bascule. Le froid est incroyable, les mains et les pieds gèlent, je suis tout tremblant sur le vélo et il faudra bien une vingtaine de kilomètres dans la descente vers Bourg d'Oisans avant de me réchauffer. Les passages dans les tunnels sont excessivement dangereux, le moindre automobiliste à qui viendrait l'idée de se déporter un peu à gauche est susceptible de tuer quelqu'un. En passant de la lumière à l'ombre, j'ai l'impression de rouler les yeux fermés pendant vingt secondes, horrible.
Comme je m'étais déjà fait à l'idée d'arrêter les frais au pied de l'Alpe d'Huez, je retrouve le moral car je décompte maintenant les kilomètres et ça sent l'écurie. J'essaie encore de mettre un peu de braquet mais c'est impossible les genoux et le dos ne veulent plus, rien à faire.
Bourg d'Oisans, enfin, le calvaire est terminé, je descends de vélo mais c'est encore pire debout qu'en selle, j'ai l'impression d'avoir un clou dans chaque rotule. Seulement voilà, mon amour propre a décidé d'être plus fort que la douleur et me pousse à tout de même tenter de franchir les premiers lacets de l'ascension. Je passe les virages 21, 20, 19...17 et il est vite trop tard pour faire demi tour. Je m'accroche à mort, on me dépasse de tout les côtés. Je suis totalement frustré car je suis "facile", je jette un oeuil sur le cardio: 138 ! Je suis dans un fauteuil, si seulemnt je n'avais pas aussi mal...Je dépasse des gars complétement à la ramasse, j'en vois même endormi appuyé sur sur son vélo.
Pas de répit dans l'Alpe d'Huez, pas de petite zone de récupération et les 170 kilomètres déjà parcouru se paient ici. Dans les derniers virages le vent vient s'ajouter à la difficulté. Des centaines de concurrents redescendent vers Bourg d'Oisans tandis que vers le sommet, certains sont à pied, découragant.
Et puis enfin...j'y suis. Le compteur indique 182 kms au lieu des 174 annoncés, 11 heures sur le vélo, 140 pulsations de moyenne, 166 maximum. Un peu déçu de ma performance mais tout de même satisfait de m'être accroché.
Je reviendrai peut-être l'année prochaine pour prendre ma revanche sur mes rotules même si je trouve que l'organisation n'est pas à la hauteur du succès de l'événement.
Enfin j'ai été fortement choqué de la désinvolture avec laquelle la majorité des concurrents se débarrasse de leur détritus en plein montagne, révoltant! D'autre part, je trouve que tous les concurrents ont droit à des ravitaillement corrects, même les derniers, même le tout dernier, ce qui ne fut malheureusement pas le cas.